Intervention de Monsieur Touxoua LYFOUNG

à l'occasion de la Journée Internationale des Droits de l'Homme et de la Liberté organisée par la Fédération Internationale pour la Liberté ( FIL ), au Palais des Congrès de Puteaux - Hauts de Seine, le Samedi 8 Juin 1996 .

 

Monsieur le Président,

Honorables invités,

Chers amis et chers compatriotes

Combattants pour la Liberté

 

Je remercie Monsieur le Président Tran Binh Tinh de l'honneur qu'il m'accorde pour apporter mon témoignage sur le calvaire du peuple hmong du Laos dont je suis moi-même originaire. Sans doute Monsieur le Président Tran Binh Tinh , comme la plupart des personnalités présentes dans cette salle, savait-il que les hmong , plus connus sous le nom de Mèo, ont été les plus grands victimes du communisme indochinois avec près de 100.000 morts, vieillards, hommes, femmes, enfants et nourrissons, massacrés, torturés et assassinés par le régime démocratique populaire Lao sous occupation communiste nord-vietnamienne.

 

Les hmong sont un peuple montagnard vivant entre le Sud de la Chine, le Nord de la Thaïlande et l'Extrême-Nord de l'Ancienne Indochine française. Ma modeste intervention dans le cadre de cette journée se limite aux hmong du Laos sous l'actuel régime que je combats.

Pour comprendre le calvaire du peuple hmong sous le régime communiste laotien il faut lire l'histoire des arméniens du début du siècle, l'histoire des juifs sous Hitler pendant la Seconde Guerre Mondiale , l'histoire des Kurdes sous Sadam Hussein ou encore les écrits de Soljenitsyne sur le système stalinien en Ex-Union Soviétique. En cinq années de pouvoir communiste , entre 1975 et 1980, c'est à dire en période de paix tant vantée par le nouveau régime, le Parti Populaire Révolutionnaire Lao, alias Parti Communiste, a fait tuer quatre fois plus de hmong que pendant un siècle de présence française en Indochine où les hmong avaient à affronter successivement les excès du colonialisme français, l'occupation japonaise, l'invasion Viet-Minh et l'expansion communiste nord-vietnamienne.

Les hmong sont arrivés au Laos au milieu du XIXè siècle. En guise de reconnaissance envers la Monarchie laotienne qui les a adoptés puis acceptés en son sein comme citoyens libres avec les droits civiques que leur conférait la Constitution, les hmong se donnaient comme mission et premier devoir national de défendre le Royaume Lao contre toute agression étrangère. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, les communistes continuent à déclarer la guerre aux hmong, non seulement sur le territoire laotien mais aussi sur le territoire thaïlandais où les hmong se sont réfugiés. Car les communistes savent que leur victoire ne sera pas totale tant qu'il y aura un hmong sur leur chemin . Ils craignent le retour de la Liberté. Ils craignent le retour de la Démocratie. Ils craignent surtout le retour de la Monarchie laotienne où les hmong pourraient redevenir des citoyens libres. Ceux qui ne comprennent et ne connaissent pas les hmong pensent que ce peuple est belliqueux et belliciste. En réalité ils n'ont fait que défendre leur liberté et la terre qui les nourrissait. Les hmong attachent à la liberté une importance féroce. Ce qui leur vaut le surnom de peuple libre. Je suis issu d'une famille qui a ouvert les yeux des hmong à l'instruction, au savoir, au monde moderne, à la civilisation et à la cohabitation pacifique avec les autres minorités ethniques du Laos. J'affirme devant cette assemblée que le peuple hmong aime la paix et la non-violence par dessus tout. Jamais les hmong n'ont commis une quelconque agression contre un peuple voisin. La guerre n'est que l'ultime recours quand rien ne peut être obtenu par la paix. Ce fut le cas en 1945 contre l'occupation japonaise. Ce fut le cas en 1952-53 contre l'invasion viet-minh. Ce fut le cas entre 1960 et 1975 contre l'agression communiste nord-vietnamienne. Chaque fois ils se battaient chez eux, sur leurs propres terres et pour leur droit à l'existence, contre une agression étrangère. Aujourd'hui encore ils résistent, à un contre mille, au pouvoir usurpateur des putschistes, à la dictature du parti et à l'occupation du Laos par l'armée communiste nord-vietnamienne. Après le coup d'Etat communiste du 2 Décembre 1975, mon propre père, chef coutumier des hmong du Laos, fut déporté, mis dans une cellule souterraine sans lumière et sans sanitaire pour la seule raison qu'il avait choisi en 1945, avec tous les siens, la fidélité au Roi et la ligne légitime de défendre le Royaume Lao contre l'occupation japonaise, aux côtés des forces françaises libres. Au bout d'une année de détention et de privation il a perdu 40 kilos. Quand il ne pouvait plus marcher, ne pouvait plus parler et ne pouvait plus voir, on l'acheva d'une balle dans la tête. Le Roi du Laos, la Reine et le Prince Héritier ont connu le même sort. Et à ce jour je ne sais toujours pas où fut enterré le corps de mon père. Je pense que la Famille Royale Lao exilée en France rencontre aussi les mêmes difficultés à obtenir du gouvernement communiste des nouvelles précises sur les circonstances de la mort de leurs Majestés le Roi et la Reine et du Prince Héritier. Les versions et les sources divergent. Une chose est sûre: qui ose poser la question creuse sa tombe! Voilà comment fonctionne le Système Démocratique Populaire Lao.

Dès la prise du pouvoir par les communistes, l'ordre du Parti unique était de tirer sur tous les hmong qui tentaient de traverser le Mékong. Malgré ces consignes que les soldats communistes appliquaient à la lettre, rien n'arrêta l'exode de 250000 hmong vers la Thaïlande au prix de leur vie. Des dizaines de milliers d'entre eux ont laissé femmes et enfants comme nourritures aux carnivores aquatiques dans les abîmes profonds du Mékong. Le sang hmong a tellement coulé dans le fleuve que certains observateurs parlent de Mékong Rouge. Dans les montagnes où se réfugiaient les hmong qui ne pouvaient pas quitter le pays, l'armée communiste utilisait le gaz et l'arme biologique pour anéantir faune, flore et toute espèce vivante. Jamais dans les annales de l'histoire du Laos le peuple n'a connu une telle cruauté de la part de ses gouvernants . Il n'y a que dans le Laos communiste où l'on voit les dirigeants qui se disent " sages et clairvoyants " collaborer avec une armée étrangère conquérante pour exterminer leurs propres frères et concitoyens. Les hmong, faut-il le rappeler, font partie intégrante du peuple laotien, tout comme les basques, les bretons et les corses sont des français.

Quand les hmong sont partis en 1975, la flore laotienne était encore vierge. Le riz et le maïs poussaient abondamment dans les rizières et dans les champs. Quinze ans après, il n'y a plus d'arbres ; les inondations deviennent fréquentes. Alors on accuse les hmong d'avoir rasé les montagnes, incendié la forêt et, d'être à l'origine des intempéries et de la famine. Dans ce nouveau Laos les hmong deviennent l'agneau ce que la parti communiste est le loup. Les dizaines de milliers de prisonniers politiques qui travaillaient dans les camps de travaux forcés au Nord-Laos savaient très bien où étaient passés les arbres qu'ils coupaient. On leur disait que les troncs d'arbres bruts partaient pour le Vietnam pour revenir ensuite en bancs, en chaises et en mobilier de bureau dans les écoles laotiennes. Dix ans après, personne ne voit la trace de ces bancs et chaises. Le bois laotien aurait disparu dans la nature. La réalité a fini par voir le jour. Dans les provinces du Nord le bois partait gratuitement en direction du Vietnam. Dans les provinces du Centre la population assistait impuissamment à l'abattage massif par l'armée communiste des arbres et plantes médicinaux, et à leur vente à très bas prix à la Thaïlande. Les hmong n'y sont absolument pour rien. Quand on veut abattre son chien, on dit qu'il a la gale. Dans le Laos communiste les hmong auront connu de toutes les couleurs.

Les témoignages sur les atrocités et les cruautés commises par le régime communiste à l'égard du peuple hmong surabondent. Il y a vingt ans on parlait de génocide des hmong. Aujourd'hui on parle d'épuration ethnique. Un document ultra secret sorti des tiroirs du Parti en 1992 révèle au grand jour le projet diabolique d'extermination des hmong du Laos et de la Thaïlande, minutieusement préparé par le Bureau politique du Parti. La lecture de ce document donne froid au dos. Les rescapés de l'enfer communiste gardent encore des séquelles physiques, morales et psychologiques que le temps a parfois du mal à effacer et à guérir. L'Occident était au courant de ces massacres, mais personne ne voulait se mouiller parce que les hmong ne représentaient pas un quelconque intérêt pécuniaire. En revanche on les accusait de trafiquants d'opium sachant pertinemment que les vrais trafiquants étaient ailleurs. On les traitait aussi injustement de mercenaires sachant qu'ils se battaient pour leur pays, pour leur liberté et sur leurs terres. Quand j'entends ce charabia de salon, quand j'entends cette littérature de supermarché, je ressens cela comme une insulte à la mémoire d'un peuple qui se bat courageusement pour sa liberté et sa survie. Si un jour vous croisez un vieux hmong dans votre rue, demandez-lui pourquoi il a quitté le Laos? Vous verserez peut-être quelques larmes à l'entendre et à l'écouter. Il ne sait pas écrire, mais il sait vous raconter sa vie qui vous touchera droit au coeur.

Monsieur le Président, honorables invités, chers amis et chers compatriotes combattants pour la Liberté,

Non, le communisme n'est pas mort. Il est toujours là, devant vous, fidèle à sa doctrine de l'aliénation de l'homme par l'homme , guettant le moment propice pour réapparaître. Tant qu'il est dans l'opposition, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Il vous promet la lune. Il vous promet le paradis. Mais si, par malheur, il prend le pouvoir, vous en aurez au moins pour un demi siècle de votre liberté. L'Europe de l'Est en a fait l'expérience. Mon pays en vit et mon peuple en souffre quotidiennement. Chaque jour un hmong meurt parce que, comme vous et comme moi, il croit au monde libre et à la démocratie. Naturellement les médias n'y mettent pas leur nez parce qu'il n'y a ni or ni pétrole à en tirer, si non simplement quelques vies humaines sans importance. Ceux qui vantent les mérites du système du parti unique, me disent que dans les pays non communistes aussi, il y a absence de liberté et violation des Droits de l'Homme. Certes oui, mais cette absence de liberté et cette violation des Droits de l'Homme que je déplore et que je combats tout autant, sont infiniment insignifiantes à côté de la répression physique et morale et de la terreur qui règnent dans les pays communistes et qui font vivre et prospérer ces régimes contre-nature et leurs dirigeants sur le sang, la sueur et les larmes des peuples. En République Démocratique Populaire Lao, on est Président de la République à vie ; on est Premier Ministre à vie. Le Parti fait la pluie et le beau temps. Toute contestation est passible de prison à perpétuité. La loi est au bout du fusil. Voilà, mesdames et messieurs, un pays qui continue à recevoir des aides économiques et financières de l'Etranger. Ceux qui donnent ne savent pas où vont leur argent. Ceux qui investissent courent le risque de n'avoir aucune garantie juridique et financière, ni en aval ni en amont. Je n'ai ni le pouvoir, ni le droit de demander l'embargo sur les aides économiques et les investissements en direction du Laos, mais j'ai le devoir d'informer l'opinion publique internationale que l'Etat communiste laotien utilise l'argent qu'il reçoit ou qu'il prélève, sous toutes les formes, légales ou illégales, à des fins contraires aux intérêts nationaux et contraires aux aspirations du peuple. Nous savons que les dirigeants communistes laotiens s'occupent en priorité d'entretenir l'armée d'occupation nord-vietnamienne pour se maintenir au pouvoir, car aucun pouvoir communiste ne repose sur l'assentiment du peuple mais uniquement sur la force, l'oppression et la terreur. Ils doivent aussi payer la milice et la police politique qui assurent leur propre sécurité. Ils doivent ensuite faire la chasse continuelle à la résistance hmong qui ne les laisse pas dormir sur leurs deux oreilles. Ils doivent enfin accorder des facilités administratives et financières à ceux des leurs qui se sont reconvertis en commerçants, en banquiers ou en hommes d'affaires pour partager avec eux les bénéfices réalisés. Puisque c'est le parti qui reçoit l'argent de l'Etranger, qui décide, qui distribue et qui contrôle, on imagine facilement le degré de corruption et de pourriture du système. L'attribution des marchés publics va directement à un ami ou une vieille connaissance moyennant pot de vin. On comprend dès lors pourquoi le train de vie des dirigeants communistes laotiens s'est triplement amélioré, voire multiplié par dix, en l'espace de deux à trois années. Les touristes et visiteurs étrangers semblent s'étonner de l'apparition d'une nouvelle caste de riches. Ces nouveaux riches, on les connaît. Ce sont les membres influents du parti, les hommes de main du parti, les collaborationnistes du régime et les opportunistes de toute sorte. Les dirigeants communistes laotiens, devenus les hommes les plus riches du pays, envoient leurs enfants en pension dans les Ecoles et dans les Universités capitalistes. Seraient-ils entrain de préparer une retraite bien méritée en Thaïlande, au Canada, en France, en Amérique ou en Australie après avoir bien servi Moscou, Bucarest, Hanoï et la Havane ? On peut se poser la question. Quant au peuple, tant que durera ce régime, il va devoir attendre encore plusieurs années, voire plusieurs décennies, pour voir la couleur de l'aide étrangère et en sentir l'odeur.

Depuis la chute du Mur de Berlin, les pays communistes, privés de l'appui du Kremlin, adoptent un semblant d'ouverture à l'économie de marché pour duper l'Occident et les investisseurs étrangers. L'argent devienne Roi dans ces dictatures, mais le Parti devient Dieu. C'est pire !

Par cette courte intervention je voudrais que la Communauté Internationale entende la voix de mon peuple et que les Grandes Démocraties daignent prendre leurs responsabilités devant ce problème humain. Je parle ici au nom de tous les miens. Faudrait-il être un koweitien, un juif, un palestinien, un bosniaque ou un tchétchène pour que le monde nous entende et s'intéresse à notre sort ? L'Humanité s'est débarrassée du nazisme et du national-socialisme par le Procès de Nuremberg. Le communisme a fait dix fois plus de victimes. Devant cette ampleur inmesurable de la barbarie et de la folie humaines, la question du Procès du communisme se doit plus que jamais d'être à l'ordre du jour. C'est le message que je compte faire passer aujourd'hui, en cette Journée Internationale des Droits de l'Homme et de la Liberté. Car les crimes contre l'humanité commis par le communisme sont planétaires et non pas seulement locaux, régionaux ou continentaux. J'attends de cette journée que nous dénoncions et que nous condamnions le communisme avec la même fermeté et avec la même sévérité, sinon plus, que nous avons condamné le nazisme en son temps. J'ose espérer que cette journée contribuera à faire réfléchir celles et ceux d'entre nous qui hésitent encore à s'engager dans le combat légitime que nous menons pour la liberté contre l'oppression, pour le droit contre la violence, pour la démocratie contre la dictature et pour l'amour contre la tyrannie. Et si je pouvais me permettre un dernier souhait, j'aimerais inviter toutes les personnalités et amis présents dans cette salle à se joindre à nous pour donner un nouvel élan encore plus énergique à cette cause juste et aux actions de notre Fédération. Nous militons pour la Liberté et pour le respect des Droits de l'Homme dans le monde, mais nous oeuvrons aussi pour l'Amitié entre les Peuples.

Je vous remercie.

 

 

Touxoua LYFOUNG

PUTEAUX , 8 Juin 1996