Libre discussion à Radio Courtoisie

avec Jean-Luc CARBUCCIA

Invité le dimanche 20 décembre 1998 par Jean-Luc Carbuccia de Radio Courtoisie (1), au cours de l’émission Lumière 101, pour parler des Hmong et de leur génocide en République Démocratique Populaire Lao, Touxoua Lyfoung, Président de l’Association Ami Hmong (2), a donné quelques éléments de réponse dont voici le résumé (3) .

Radio Courtoisie : Que veut dire le terme Miao ?

Touxoua Lyfoung : Le terme Miao veut dire homme des champs, homme sauvage ou encore homme libre, en langue chinoise . Naturellement je préfère la troisième définition .

RC : Miao et Mèo veulent-ils dire la même chose ?

TL : Pas tout à fait . Les Miao sont une minorité ethnique du Sud de la Chine qui n’a pas toujours une unité linguistique . Parfois ils ne se comprennent pas entre eux, bien que groupés sous cette même appellation par les chinois . Le terme Mèo a été employé par les autorités coloniales françaises pour désigner les Miao du Laos, du Tonkin et du Siam qui sont descendus de Chine vers le milieu du XIXè siècle . Les Mèo sont, à mon avis une fraction de la minorité Miao de Chine . Tous les Miao ne sont pas des Mèo et ne parlent pas la langue Mèo telle que vous avez connue et entendue dans l’ancienne Indochine française.

RC : Quelle est, selon vous, la différence entre Mèo et Hmong ?

TL : Aucune . Pendant longtemps nous étions fiers d’être des Mèo . Nos amis français et nos compatriotes Lao nous appelaient ainsi . Il n’y avait aucune consonance péjorative et aucune méprise de leur part . Aujourd’hui, sous l’influence de quelques intellectuels Hmong que je respecte, les Mèo trouvent que le terme Mèo est péjoratif . Ils préfèrent qu’on les appelle Hmong . Cela m’est absolument égal (4) . Ce qui me choque, c’est quand j’entends certaines personnes en milieu Lao dire que les Hmong ou les Mèo du Laos ne sont pas des laotiens . C’est comme si l’on disait en France que les corses et les bretons ne sont pas des français . Je trouve même cela insultant vis à vis de ce peuple Hmong qui a toujours défendu le Laos et qui continue à le faire .

RC : On dit que les Hmong n’aiment pas les vietnamiens . Y a t-il une raison à cela ?

TL : Dire que les Hmong n’aiment pas les vietnamiens, c’est inexact . Disons que les Hmong considèrent les communistes vietnamiens ( et non pas les vietnamiens ) comme les ennemis du Royaume du Laos, donc leurs ennemis .

Pendant trois quarts de siècle Hmong et vietnamiens vivaient en bon voisinage . La paix régnait entre les deux peuples . Le commerce prospérait entre eux . Les Hmong ne faisaient pas la distinction entre tonkinois, annamites et cochinchinois . Quand ils sont descendus au Laos ils ne savaient pas non plus qu’il y avait un Laos . D’ailleurs, à l’époque, il n’y avait pas un Etat laotien constitué, mais quelques trois ou quatre principautés, rivales entre elles, qui dépendaient les unes et les autres, soit de l’Annam, soit du Siam, soit du Cambodge . Le Royaume du Laos n’existait pas . Les Hmong sont partis de Chine parce qu’ils étaient excédés par les guerres interminables entre chinois .

Les premiers conflits entre les Hmong et les communistes vietnamiens sont nés en 1945 lorsque les communistes vietnamiens du nom de Viet-Minh ont choisi de collaborer avec les fascistes japonais et ont entraîné dans la collaboration les indépendantistes Lao du nom de Lao-Issara dont le but était de destituer le Roi du Laos qui, à l’époque, ne fut encore que le Roi de Luangprabang mais dont l’autorité s’étendait déjà bien au delà des limites de son Royaume . Fidèles depuis toujours au Roi, les Hmong prenaient sa défense contre les insurrectionnels et les envahisseurs . A partir de cet instant le guerre entre les Hmong et la coalition Viet-Minh-Lao Issara est devenue inévitable .

RC : On dit aussi que les Hmong ont fait l’objet d’un génocide de la part des communistes lao-vietnamiens . Comment expliquez-vous cela ?

TL : Il y a plusieurs raisons à cela :

-d’abord les Hmong ( du Laos ) sont hostiles au communisme ;

-ensuite les Hmong n’acceptent pas la vietnamisation du Laos ;

-enfin les Hmong ont toujours soutenu la Monarchie Lao .

Le communisme a gagné la Deuxième Guerre d’Indochine en 1975 ; les communistes vietnamiens sont devenus les maîtres et les seigneurs du nouveau Laos par le Traité d’Amitié Laos-Vietnam signé en juillet 1977 par deux vietnamiens ; la Monarchie Lao est abolie. Il n’y avait plus de place pour les Hmong en République Démocratique Populaire Lao.

Dès la prise du pouvoir au Laos en 1975 par les communistes vietnamiens, ces derniers ont placé un des leurs à la tête du gouvernement de l’Etat communiste Lao. L’ordre fut donné aux soldats de tirer sans sommation sur tous les Hmong qui tentaient de quitter le pays . Plusieurs milliers de Lao ont subi le même sort pendant la traversée du Mékong . Mais les Hmong étaient particulièrement visés. Durant deux années ( 1975-1976 ) le sang Hmong a tellement coulé dans le fleuve que l’on parle de Mékong rouge .

Une deuxième vague de génocide a eu lieu entre 1978 et 1980 dans les hautes montagnes occupées par les résistants Hmong. Cette fois-ci l’armée communiste lao-vietnamienne, avec l’appui des frères soviétiques, a utilisé l’arme chimique et biologique pour détruire tout ce qui vivait et respirait. Hommes, femmes, enfants et nourrissons Hmong ont péri par dizaines de milliers sous cette pluie de gaz toxique. On parlait de trente à quarante mille morts. Jamais dans l’histoire du Laos, aucune minorité ethnique n’a connu un tel carnage. Le monde civilisé le savait mais personne ne bougeait parce que les Hmong n’avaient pas de pétrole .

J’ajoute que le Parti Révolutionnaire Populaire Lao avait programmé l’extermination des Hmong depuis de longues dates. Aujourd’hui tout porte à croire qu’il renonce à poursuivre ce crime contre l’humanité, parce que les Hmong sont plus nombreux à l’extérieur qu’à l’intérieur du Laos et qu’il est impossible de les tuer tous. De plus, les Hmong de l’extérieur, en envoyant régulièrement de l’argent au Laos pour soulager les souffrances et les misères de leurs parents et frères "  prisonniers " du nouveau régime, sont devenus une source de richesse et de devises étrangères pour le pays .

RC : A votre avis, comment peut-on aider votre peuple qui vit sous la dictature communiste à retrouver sa liberté ?

TL : Nous comptons sur les Grandes Puissances, dont la France, les Etats Unis d’Amérique, le Canada, la Grande Bretagne, le Japon, la Chine, tous signataires des Accords de Genève de 1962 sur la Paix et la Neutralité du Laos, pour qu’elles mettent à l’ordre du jour des réunions et conférences internationales la question laotienne afin que le Laos redevienne un pays démocratique, libre et respectueux des Droits de l’Homme. Avant l’annexion du Laos en 1975 par les communistes vietnamiens, les Hmong étaient un peuple libre appartenant avec fierté à la nation laotienne. Tant que le Laos restera un fief vietnamien le peuple Hmong est condamné à disparaître. La seule issue pour les Hmong, et pour le peuple laotien en général, est de continuer à se battre .

RC : Doit-on vous appeler Prince ?

TL : Non ! Les amis français et les compagnons d’armes de mon père le surnommaient "  Roi des Hmong  ". Le peuple Hmong l’appelait aussi

"  notre Roi Hmong  " . C’est flatteur. Mais au Laos il n’y a qu’un seul roi. C’est le Roi du Laos, symbole de l’unité nationale. Je n’en connais pas d’autre. Je ne suis pas prince. Appelez-moi Touxoua Lyfoung. Cela me convient très bien .

 

PARIS XVIè,

20 décembre 1998

 

 

  1. RADIO COURTOISIE :61, boulevard Murat – 75016 PARIS . Tél : 01 46 51 00 85
  2. Association AMI HMONG :
  3. 16, allée Hector Berlioz – 91210 DRAVEIL . Tél : 01 69 03 33 76

  4. L’entretien a duré 1h30 . Ce résumé ne reprend que l’essentiel des questions et réponses
  5. En Chine, les chinois continuent à prononcer Miao et non pas Hmong . Personne ne trouve cela péjoratif .